Les Programmes de réussite éducative (PRE), institués par la loi de cohésion sociale de 2005 et déployés sur l’ensemble du territoire se caractérisent comme une politique ambitieuse de lutte contre l’inégalité des chances à destination des enfants et des adolescents les plus en difficulté.
Ils en constituent le principal volet éducatif et reposent sur la définition d’« actions d’accompagnement au profit des élèves du premier et du second degré et de leur famille dans les domaines éducatif, périscolaire, culturel, social et sanitaire ».
Leur spécificité consiste à exploiter les ressources locales (associations, centres de loisirs, centres de santé, conseil général, dispositifs scolaires), et à impliquer de manière systématique les parents, le but étant de renouer le contact entre les familles et les acteurs du « droit commun » dans les quartiers en difficultés.
En 2013, on comptait 505 PRE pour un budget de 109 millions d’euros, dont 80 millions gérés par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé). Ils employaient environ 5 000 personnes pour 1 700 équivalents temps plein et ont bénéficié à 128 000 enfants. Par comparaison, 513 500 élèves étaient scolarisés en éducation prioritaire à l’école et au collège en 2013. Il s’agit donc d’une politique à la fois très ambitieuse par son ampleur et son emprise sur le territoire, et dont le coût moyen par enfant accompagné (850 euros) représente environ 10 % du coût d’une scolarité (qui est en primaire de 6 220 euros et de 9 440 dans le secondaire). (*)
De nombreuses études ont déjà été consacrées à ces programmes, mais aucune analyse d’impact des PRE n’avait été réalisée à ce jour au niveau national.
Une évaluation effectuée par l’Institut des politiques publiques, Ecole d’économie de Paris, sous la direction de Pascal Bressoux, Marc Gurgand, Nina Guyon, Marion Monnet et Julie Pernaudet, reposant sur la comparabilité d’enfants bénéficiaires et non bénéficiaires dans un grand nombre de dimensions est, à ce titre, très instructive.
Les résultats sont sans appel puisque sur tous les aspects, les PRE s’avèrent n’avoir aucun effet ou même, parfois, des effets négatifs.
S’agissant des effets psychologiques des PRE, « la qualité de vie ressentie dans les dimensions psychologiques ne semble pas affectée par l’intervention, mais l’échelle de satisfaction dans la vie connaît un effet négatif assez fort, quoique faiblement significatif. Le comportement, qu’il soit mesuré à travers le sentiment de bien se comporter, ou l’évaluation faite par l’enseignant, diffère peu entre les élèves bénéficiaires et témoins. En revanche, certaines dimensions de la relation aux autres se détériorent par rapport au groupe témoin. Si la qualité de vie perçue dans les dimensions sociales s’améliore légèrement, l’estime de soi sociale, qui reflète principalement le sentiment d’avoir de bonnes relations amicales, est affectée négativement », note le rapport.
Dans le domaine scolaire, « on observe également des mouvements négatifs, surtout dans les dimensions conatives. Certaines dimensions de motivation diminuent significativement : la motivation intrinsèque, qui reflète le plaisir que les enfants trouvent à l’école et la motivation identifiée, qui caractérise l’intériorisation par les enfants de l’utilité de l’école… La réussite scolaire à proprement parler est peu affectée, même si on relève un effet légèrement négatif sur le jugement des enseignants concernant des capacités telles que l’autonomie, le niveau de langage, la compréhension des consignes ».
Les parents d’élèves bénéficiaires, bien que jouant en théorie un rôle important dans les parcours, ne connaissent pas d’évolution spécifique relativement aux parents des élèves du groupe témoin, tant dans leur relation à l’école que dans leur perception de l’accès aux services : ils n’ont par exemple pas plus le sentiment qu’il est facile d’avoir de l’aide dans leur quartier en cas de problème. Il n’existe ainsi aucun indice pouvant faire penser que les PRE ont, en moyenne, fait progresser les enfants bénéficiaires davantage que les enfants témoin.
Au total, « nous n’observons pas de dynamique plus positive des enfants bénéficiaires d’un parcours par rapport à des enfants dans des situations scolaires, psychologiques et sociales comparables au départ », affirment les auteurs de l’étude.
L’équipe de l’Institut des politiques publiques avance des hypothèses. Ils rappellent d’abord que des dispositifs de soutien peuvent être efficaces. Le rapport cite le programme américain Head Start qui a touché un million d’enfants à partir de 1965 et qui a des effets positifs à long terme.
Qu’est ce qui distingue ces programmes efficaces des PRE ? D’abord l’âge des enfants. Les PRE interviennent peut-être déjà trop tard puisqu’ils se poursuivent au collège, voire parfois après. Mais aussi le coût. Head Start coute environ 7 000 euros par enfant quand le coût d’un PRE s’établit à environ 850 euros.
Au final, note le rapport, il apparait que « l’Etat a fait le choix de limiter son effort (financier) en mettant l’accent sur des questions d’ingénierie institutionnelle, qui sont sans aucun doute un passage obligé, mais sans mettre de moyens pour développer les actions elles-mêmes ».
« Pour être plus efficaces face aux défis immenses présentés par les enfants dans des situations sociales très difficiles, les PRE devraient donc peut-être disposer des moyens de déployer beaucoup plus souvent leurs propres interventions, et cibler davantage les enfants d’âge préscolaire ».
(*) Un prochain article sera consacré aux budgets insuffisants consacrés par la France à l’école primaire.
C’est toujours aussi instructif de lire vos articles, bien construits, clairs et argumentés. Continuez ainsi. L’école de France a besoin de personnes telles que vous!