Depuis des dizaines d’années, toutes les études, internationales ou nationales, établissent un constat alarmant sur l’état de l’école en France. Les résultats de nos élèves continuent, enquête après enquête, de se dégrader. Gauche et Droite ne cessent de se rejeter la responsabilité de cet échec.
François Fillon a été ministre de l’Education nationale du 31 mars 2004 au 31 mai 2005. Puis Premier ministre de 2007 à 2012. Il porte donc une double responsabilité dans les résultats désastreux des écoliers français.
Dans son programme, François Fillon fustige les réformes faites par ses successeurs. Des réformes « qui n’ont pas abouti aux effets escomptés », dit-il.
« Ces réformes se sont souvent construites sans que les enseignants, les élèves et les parents d’élèves n’en comprennent la cohérence ni l’objectif recherché. »
Ce reproche, François Fillon peut et doit d’abord l’adresser au Premier ministre qu’il fut de 2007 à 2012.
Tout juste nommé Premier Ministre, le 10 juillet 2007 François Fillon lance le chantier de la « révision générale des politiques publiques » (RGPP). En clair, il s’agit de « rationaliser les dépenses publiques » pour réduire les déficits afin de satisfaire les exigences de Bruxelles. Le moyen le plus efficace, d’ailleurs énoncé par le candidat Sarkozy durant la campagne présidentielle, est de réduire le nombre de fonctionnaires d’Etat. Les consignes données par l’Elysée sont claires : ne pas remplacer un fonctionnaire partant à la retraite sur deux !
L’année 2008 aura été marquée, dans le domaine de l’Education nationale, par une rafale d’annonces et de réformes qui ont souvent pris de court les enseignants, bien sûr, mais aussi les organisations syndicales.
Cours du samedi supprimés, nouveaux programmes, aide personnalisée…
Des dizaines de milliers de postes de titulaires, de remplaçants, d’enseignants spécialisés des RASED, d’assistants de langues vivantes, de conseillers pédagogiques et de maîtres formateurs vont être supprimés, tandis que des fermetures ou des non-ouvertures de classes vont entraîner une hausse du nombre d’élèves dans les classes.
Alors qu’il estime que les écoliers doivent consacrer plus de temps aux apprentissages fondamentaux, François Fillon a supprimé deux heures hebdomadaires de cours lors de son mandat.
Comment peut-on alors expliquer cette décision totalement incohérente qui va à l’encontre des besoins des élèves ?
Le mieux placé pour répondre à cette question est sans aucun doute Luc Ferry qui fut ministre de l’Education nationale sous la présidence de Jacques Chirac. Pour lui, « si on se place du point de vue des performances des élèves, ce n’est pas forcément une chose formidable. »
Il est d’ailleurs intéressant de réécouter les déclarations de Luc Ferry, à l’antenne d’Europe1 le 3 septembre 2008.
Question : En supprimant le samedi, on fait des économies ?
Luc Ferry : Bien sûr
Question : Comment ?
Luc Ferry : Ah ! D’ailleurs c’est drôle, il faut vraiment être technicien pour le savoir…
Question : Est-ce qu’on peut l’expliquer simplement pour nos auditeurs ?
Luc Ferry : Oui, on peut l’exprimer simplement. Les suppressions d’heures pour les élèves en difficulté – les deux heures de soutien – ça permet de supprimer ce qu’on appelle les RASED (réseau d’aide et de soutien aux élèves en difficultés). Dans les départements ça fait économiser 8000 postes -, et donc – il faut quand même le savoir – c’est un point très important, c’est un enjeu de cette réduction. Outre le fait qu’évidemment, ça fait plaisir aux parents, ça fait plaisir aux élèves, ça fait plaisir aux professeurs. Vous avez là, un avantage politique, une réduction des coûts budgétaires.
Question : A vous entendre, la refonte des programmes est purement idéologique ?
Luc Ferry : Evidemment, ça donne le sentiment qu’on fait quelque chose, qu’on fait table rase et vous faites plaisir à votre électorat quand vous dites « Ah, on va remettre la grammaire, alors tout le monde est content ».
Question : C’est avec ce programme que Xavier Darcos affirme qu’il aura réduit de moitié l’échec scolaire dans trois ans
Luc Ferry : Ecoutez, je prends les paris, vous voulez bien me réinviter dans trois ans ? Non seulement il ne sera pas réduit, mais je vous garantis qu’on aura 10% de plus d’élèves en difficulté dans trois ans, parce que ça n’a rien à voir avec les programmes de toutes façons. C’est une question de pratique dans les classes. C’est ce qui se passe dans la classe qui est important […] Et ce n’est pas en supprimant des heures que ça va s’arranger. Qu’on soit obligé de le faire pour des raisons budgétaires je veux bien, mais ce n’est pas comme ça que ça ira mieux, ce n’est pas vrai. On ne peut pas soutenir raisonnablement qu’en supprimant des heures, les élèves vont apprendre plus de choses.
Cette réforme du gouvernement Fillon a été conduite avec un cynisme rarement égalé. Il est facile, comme le fait Luc Ferry, d’établir le lien entre la réduction de deux heures hebdomadaires de cours et la suppression de postes de RASED.
En effet, si les élèves ont vu leur emploi du temps scolaire passer de 26 à 24 heures hebdomadaires, cette réduction horaire ne concernait pas les enseignants.
Le plan machiavélique du gouvernement avait tout prévu. Les professeurs des écoles pourraient dorénavant prendre en charge les élèves en difficulté et ainsi remplacer les maîtres spécialisés du RASED dans l’aide personnalisée apportée à ces enfants. Les enseignants spécialisés devenaient inutiles. C’est ainsi qu’un tiers des postes RASED furent supprimés sous le quinquennat Sarkozy-Fillon. L’hémorragie fut stoppée par la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012.
Les conséquences furent également dramatiques sur le plan des résultats de cette réforme. Les parents découvriront, en même temps que leurs enfants, les dispositifs choisis par les écoles pour mettre en place les deux heures hebdomadaires de soutien destinées aux élèves en difficulté. Quand les placer dans la semaine ? Après l’école ? Pendant la pause-déjeuner ? Le mercredi matin ?
Les spécialistes des rythmes scolaires qui ont mesuré l’inévitable baisse d’attention du début d’après-midi plaident plutôt pour un allongement de la matinée. « Du point de vue des rythmes de l’enfant, c’est la moins mauvaise solution », estime François Testu, auteur de Rythmes de vie et rythmes scolaires.
Toutes les solutions envisagées présentaient des inconvénients. Le premier problème rencontré fut de convaincre les familles de laisser leur enfant en difficulté au-delà des heures habituelles de classe. Il n’est pas toujours simple pour les familles de devoir faire des conduites différentes lorsque les horaires de sortie ne sont plus identiques pour la fratrie.
Il n’est pas facile non plus de réorganiser les services de restauration pour admettre certains enfants à des horaires décalés.
Mais l’inconvénient majeur est celui de la concentration de l’enfant. Les élèves en difficulté sont souvent ceux qui ont la plus grande difficulté à se concentrer sur le temps scolaire. Or cette réforme les contraint à allonger la durée de travail. L’efficacité du dispositif s’en trouve fortement réduite quand elle ne s’avère pas contreproductive.
Pour le gouvernement Fillon, le seul résultat qui vaille est budgétaire. Le reste n’est que poudre aux yeux.
D’ailleurs, selon le Canard Enchaîné du 22 octobre 2008, Xavier Darcos, ministre de l’Education nationale du gouvernement Fillon, aurait confié à ses collaborateurs :