Où est passée la refondation de l’école ?

Où est passée la refondation de l’école ?

Le comité de suivi de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 vient de rendre son rapport. Il est sévère.

Présidé par Yves Durand, et composé de 4 députés et 4 sénateurs, le comité de suivi de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école du 8 juillet 2013 a rendu son rapport annuel le 13 janvier.

Rappel des principales dispositions de la loi du 8 juillet 2013

Les grands principes sont l’éducabilité, l’inclusion scolaire, la diversité, la mixité sociale des établissements.

L’objectif de la loi est de « lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative ». La loi d’orientation est également une loi de programmation : 54 000 postes supplémentaires à l’échelle du quinquennat. La priorité est donnée au premier degré, afin d’amplifier notamment le dispositif « plus de maîtres que de classes », et à la montée en charge de la réforme de l’éducation prioritaire. Par ailleurs, les postes doivent permettre l’amélioration du climat scolaire et de l’accompagnement du handicap.

Si tous les niveaux d’enseignement sont concernés, la loi d’orientation s’attache à redéfinir l’école maternelle et la scolarité obligatoire est adossée à un socle commun de connaissances, de compétences et « désormais » de culture. L’école primaire est une priorité et le principe du collège unique est réaffirmé. La réforme de la formation des enseignants est clairement identifiée comme le levier majeur de la refondation ?

Cette loi servie successivement par Vincent Peillon, Benoît Hamon et Najat Vallaud Belkacem s’est totalement diluée avec le temps au point que la plupart des enseignants n’en perçoivent pas les effets.

« Alors même que ses principes font consensus pour l’ensemble des acteurs, il semble que la mise en œuvre de la loi les ait détournés de la représentation qu’ils se faisaient de sa cohérence globale« , souligne le rapport.

Pour le rapporteur, Le problème majeur est « l’insuffisance de l’appropriation de la cohérence de la loi par les enseignants, par l’affadissement et la parcellisation de son application. » De plus, le fait que la mise en œuvre des nouveaux programmes n’arrive que trois ans après la promulgation de la loi nuit à sa portée.

Le rapport dresse un bilan pessimiste sur la mise en œuvre de la priorité au premier degré.

 » Occultée dans le débat public par la mise en place de la seule réforme des rythmes scolaires et en l’absence des nouveaux programmes de cycle (hormis celui du cycle 1 constitué par la maternelle), la réforme ne concerne aujourd’hui que peu d’enseignants sur le fond de leur métier et est mise en œuvre par les acteurs dans une relative méconnaissance de la cohérence d’ensemble de ses objectifs. Les enseignants ont eu le sentiment que la réforme se diluait au fil du temps et qu’elle se réduisait finalement dans le débat public, voire dans leur milieu d’exercice, à des questions polémiques en dehors du changement de fond. Parallèlement, il apparaît à de nombreux enseignants et membres des corps d’inspection que l’efficacité de la réforme est mise en difficulté dans la mesure où elle ne porte pas sur les structures et l’organisation administrative de l’éducation« .

Les moyens programmés et mis en œuvre sont « peu visibles pour les enseignants comme dans l’opinion ». Sur le terrain en effet, peu d’améliorations se font sentir.

Le rapport note  » la sous-réalisation du schéma d’emplois sur le premier degré public, et sa sur-réalisation sur le second degré public, en décalage avec les priorités affichées dans la loi… »

« Le dispositif (des maitres surnuméraires)  ne concerne qu’un petit nombre d’enseignants  ce qui amenuise la perception d’une priorité au primaire par les acteurs… Le taux de scolarisation des moins de 3 ans est en léger recul en 2014 ».

Quant à la liaison voulue par la loi entre l’école et le collège, le conseil école collège est « une coquille vide » estiment les rapporteurs.

 

La formation des enseignants est également jugée sévèrement. Sa mise en œuvre est encore au milieu du gué

« La réforme de la formation des enseignants est unanimement reconnue comme le levier principal de l’amélioration de la qualité de l’enseignement et de la réussite des élèves. Attendue par les enseignants, la mise en œuvre en est extrêmement difficile ».

Elle « peine à trouver son équilibre sur le plan structurel et sur le plan pédagogique ».

La place des parents est également un autre élément important de la loi. Or si « la loi définit la participation des parents comme contribuant à la construction de l’école », à ce jour, ils demeurent les « fantômes » de l’institution.

 

Le CSP et le CNESCO à redresser

Enfin le rapport est également très critique envers les nouvelles instances créées par la loi d’orientation.

Le CSP (Conseil supérieur des programmes) « est une structure pour un travail de type délibératif, destinée à produire un rapport, mais elle paraît dans son format actuel inappropriée pour piloter l’ensemble de l’élaboration des programmes dans des délais aussi contraints », écrit le comité. Il demande de « clarifier sa position et son mandat, par rapport aux instances participant au travail sur les programmes d’enseignement (DGESCO, IGEN) » et suggère de le remplacer par une agence.

Ce n’est pas mieux pour le CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire), lui aussi attaqué depuis des mois. « Le comité a pu constater que parmi les instances nouvelles, le CNESCO faisait partie de celles qui n’avaient pas réellement trouvé leur place, leur mode de fonctionnement et le temps de leur action ». Le comité reproche au CNESCO de faire des recherches quand on lui demande d’évaluer le système éducatif. Le rapport estime qu’il traite « de sujets d’actualité et de thèmes de recherche le plus souvent en dehors de (sa) mission ». Le comité demande donc de « clarifier la mission du CNESCO ».

Tous les analystes jugent que le constat du rapport est sévère mais juste. Seule, Najat Vallaud-Belkacem ne cesse de se féliciter de la réussite de cette réforme… Dans un communiqué, le 5 janvier, la ministre se « réjouit » de la publication des quatre derniers textes réglementaires d’application de cette loi.

« Toutes les mesures prévues et qui contribuent à la réussite de tous les élèves, seront donc pleinement opérationnelles à la rentrée scolaire 2016 ».

Suffit-il que des textes soient publiés pour parler de réforme appliquée et réussie ? Comme tous ses prédécesseurs rue de Grenelle, Najat Vallaud-Belkacem fait de l’auto-satisfaction. Il est, hélas, à craindre pour elle que la « refondation » qu’elle annonce sur la bonne voie, ne soit en fait que sur une voie de garage avant de rejoindre les oubliettes de son ministère…

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