Au moment où la France fait le choix d’équiper son école en matériel informatique et numérique, il est intéressant de se pencher sur les résultats enregistrés dans les pays qui ont un taux d’équipement important. Le matériel en vogue est sans conteste le tableau blanc interactif (TBI) encore appelé tableau numérique interactif (TNI). Il s’agit en fait d’un tableau électronique relié à un ordinateur que l’on peut contrôler avec un stylet voire avec le doigt.
Confrontés aux résultats de plus en plus médiocres de leurs élèves, certains pays ont imaginé trouver la réponse à leurs difficultés avec l’utilisation de cet outil numérique.
En effet, aux yeux de bon nombre de « pédagogistes », le TBI ne pouvait qu’augmenter la réussite scolaire des élèves en améliorant la pratique pédagogique des enseignants par l’interactivité des activités d’apprentissage. C’est ainsi que de nombreux pays se sont lancés dans un vaste plan d’équipement : 100% des salles de classe au Royaume Uni, 97% au Québec, 60% aux Etats-Unis… et 21% en France.
Depuis quelques années, la France tente de rattraper son retard en équipant de plus en plus massivement ses écoles. Or, une étude remet en cause l’impact du TBI. Une recherche de grande ampleur réalisée au Québec révèle que le résultat réellement concluant que l’on a pu observer […] c’est la motivation accrue des élèves […] et la possibilité pour l’enseignant de mieux présenter du contenu théorique.
L’étude montre que seulement 1% des enseignants utilisent le TBI pour faire des exercices interactifs. Ces résultats révèlent que le TBI est surtout utilisé comme outil de projection, et non comme outil numérique interactif pour soutenir l’enseignement ou l’apprentissage des élèves. En effet, les fonctions interactives semblent rarement utilisées (1,4 %).
Pour la grande majorité des enseignants, à moindre coût, un vidéoprojecteur pourrait être beaucoup plus efficace sur le plan pédagogique. Le TBI apparaît comme un outil complexe et chronophage. Il nécessite une formation appropriée beaucoup plus longue que celle offerte aux enseignants. Thierry Karsenti, l’auteur de cette étude, préconise de « reconnaître l’investissement en temps nécessaire par les enseignants pour maîtriser un tel outil technologique » ou encore de « repenser la stratégie de soutien technique pour les enseignants qui utilisent le TBI de façon régulière afin que ces derniers se sentent réellement soutenus ».
L’échec du TBI vient aussi des résistances que sa diffusion massive et imposée a suscitées chez les enseignants. Cette étude interroge également le pilotage de l’intégration des technologies numériques dans le système éducatif. C’est le cas en France où nombre d’inspecteurs font pression sur les municipalités pour équiper les écoles et sur les enseignants pour changer leurs pratiques pédagogiques. Ils feraient bien de méditer les résultats de cette recherche québécoise…
Globalement, l’étude réalisée n’a pas été en mesure de montrer que le TBI a un impact positif ou négatif sur la réussite scolaire des élèves. Cet équipement a néanmoins un coût important.
Nos responsables ministériels auraient pu également prêter une meilleure attention à un rapport récent de l’OCDE (septembre 2015). Ses conclusions semblent intéressantes pour la question des tableaux blancs interactifs en contexte scolaire. Cette vaste enquête internationale (plus de 30 pays) de l’OCDE sur l’impact des technologies en éducation montre que les pays qui se sont lancés dans une informatisation rapide de l’enseignement (comme ceux qui ont fait l’acquisition rapide de TBI) obtiennent, en général, de mauvais résultats. Pire encore : dans certains contextes, plus un jeune utiliserait les nouvelles technologies à l’école, moins bons seraient ses résultats scolaires. Cela montre que même si le potentiel des technologies est important, le rôle des enseignants demeure tout de même central.
Ces deux études ne peuvent que nous conduire à nous interroger sur les raisons qui poussent les patrons de la Silicon Valley à interdire la high tech à leurs enfants.
Les dirigeants d’Apple, Google ou Twitter limitent l’usage des nouvelles technologies chez leurs enfants, estimant qu’elles pourraient nuire à leur développement. Plusieurs dirigeants de Google, Yahoo!, Apple ou encore eBay, non contents d’interdire les écrans à la maison, placent en outre leurs enfants dans des écoles anti-technologie.
En novembre 2011, le New York Times évoquait ainsi le cas de l’établissement Waldorf, en Californie, où les élèves n’apprennent à maîtriser Google qu’à partir de la 4ème. Les salles de classe sont en revanche dotées de tableaux noirs, de craies et de livres. Selon la direction de l’établissement, les ordinateurs et les tablettes nuiraient à la créativité et à la concentration des enfants.